CANNES 2010
L'ARBRE (Julie Bertuccelli) ******
sélection officielle (clôture) - Le Pacte – Prix de laMise en scène
Une famille heureuse, quelque part dans un coin paumé de l'Australie. Un pays où on livre des maisons en bois toutes construites aux quatre coins du pays, sur d'immenses plateaux tractés par des camions… La première séquence, qui montre la livraison d'une maison, donne le ton : grands espaces, activité humaine à la (dé) mesure de la nature, temps qui s'étire… Au retour, le père fait un infarctus au volant de sa voiture, qui finit sa course dans l'immense arbre à l'ombre duquel a été bâtie la maison familiale. La mère (Charlotte Gainsbourg, très sobre) et les trois enfants (de 4 à 16 ans, tous très justes) réapprennent difficilement à vivre, la cadette se persuadant que son père s'est réincarné dans l'arbre. La faute à la sécheresse, violente, aux tempêtes, violentes aussi, l'arbre mettrait la maison en péril…
En tout point magnifique, un grand et beau film sur le deuil, la famille, le droit au bonheur, le souvenir… quasi miyazakien dans son approche de la nature et des éléments, on flirte avec bonheur avec le merveilleux.
COPACABANA (Marc Fitoussi) *****
Semaine de la Critique – Mars
Un festival Isabelle Huppert. Très belle comédie douce-amère sur une femme aussi généreuse qu'égoïste, impulsive, exubérante, qui, en apprenant à la fois le prochain mariage de sa fille et que sa présence n'y sera pas souhaitée (complexe de classe, désir de normalisation…), quitte sur un coup de tête sa ville (Tourcoing, où elle vivotte de ses prestations sociales) et ses rêves inaccessibles de Brésil, pour aller faire fortune à Ostende dans l'immobilier (vente à la découpe d'apparts aux touristes anglais) – et se réhabiliter aux yeux de sa fille. Ton très juste pour ce conte de fées sur la mer du Nord, de rencontre en rencontre, de situation en situation, le personnage interprété par Isabelle Huppert devient un peu plus adulte, mais parvient aussi à gripper (un peu) les rouages trop graissés de l'organisation sociale dans laquelle elle tente tant bien que mal de s'insérer.
Final jubilatoire. Seul bémol : la Fille Huppert a autant de mal à s'imposer que son personnage…
CLEVELAND VS WALL STREET (JM Bron) **
Quinzaine – Losange
Docu-fiction sur le modèle de Bamako : faux procès (intenté par la Ville de Cleveland contre « Wall street », procès qui devait avoir réellement lieu) et vrais protagonistes. L'objet de la plainte : les conneries des banques (subprimes) ont ravagé des quartiers entiers de la Ville, le coût social et matériel est astronomique… Défilent à la barre des petites gens à qui on a fait miroiter l'accession à la propriété (aujourd'hui à la rue), des techniciens qui expliquent comment ils ont légèrement bidonné les taux d'endettement pour faire du chiffre, et même des analystes, des banquiers qui se défendent et plaident la pureté du marché financier contre la rapacité humaine… On peut y apprendre peu ou pas mal de choses, selon le degré d'intérêt qu'on aura porté au problème au plus fort de sa médiatisation. Il y a forcément des moments plus émouvants, d'autres plus instructifs, mais le dispositif, hyper statique, du film de prétoire est un peu pénible, à force. Et le « verdict » final, rendu par un jury populaire (et pour le coup, quoiqu'on essaye de nous faire croire, très scénarisé) est désagréablement neutre (genre les « petites gens » et la collectivité ont symboliquement gagné puisqu'elles ont eu la majorité des voix mais il n'y en a pas eu assez pour que les banques soient reconnues coupables…).
Par contre, la dernière séquence (discours de campagne d'Obama) est un chouette (et triste) contre-point, quelques mois plus tard, au Capitalism plein de ferveur et d'espoir de M. Moore.
PICCO () ***
Quinzaine – Rezo
Descente aux enfers d'une prison pour jeunes délinquants, à travers l'évolution d'un petit groupe de cinq individus – plus particulièrement l'un d'eux, qui semble devoir être le personnage « positif » (celui qui lit des livres, qui pourrait résister à la tentation de répondre à la violence par la violence, à l'humiliation par l'humiliation d'un plus faible), mais peut-être que non… Il y a aussi une psychologue aux méthodes pour le moins surprenantes qui, lors d'une séance de groupe, demande aux jeunes d'en exclure l'un d'eux et de justifier ce choix (???)… Bon, tout y passe, les coups, les viols, les tortures, dans un tourbillon effarant, une atmosphère oppressante et un jeu avec le « limite soutenable » qui rappellerait Hunger revisité par Haneke.
Pas d'enthousiasme pour ce film un rien trop long, un peu complaisant, mais pas inutile et très efficace.
LE NOM DES GENS (Michel Leclère) *****
Semaine de la Critique – UGC
Malgré un énorme handicap (la séquence d'ouverture, dans les studios de France Inter, laisse présager le pire), gentille comédie amélie-poulinesque délicieusement barrée sur l'identité nationale portée avec classe et énergie par l'improbable duo formé par une activiste politique nymphomane de toutes les couleurs (S Forrestier) et un épidémiologiste jospinien gris-terne (J Gamblin). Elle à moitié maghrébine, lui à moitié juif, tous les traumas liés aux origines passent à la moulinette à un rythme trépidant, saupoudrés d'à peu près tous les sujets de société de ces quinze dernières années… Peut paraître racoleur, en permanence sur le fil, au bord du ridicule, mais fonctionne malgré tout, à l'énergie, au désir, au partage, à la bonne humeur.
CHONGQING BLUES () *
sélection officielle (compète)
Mélodrame en forme de polar, la quête d'un père, absent depuis dix ans, pour comprendre qui était son fils et ce qui l'a conduit à se faire abattre par la police après qu'il a pris une otage dans un grand magasin. Pas mal de belles choses, mais les effets sont systématiquement appuyés (la pixellisation de l'agrandissement de l'unique photo du fils…) on s'ennuie beaucoup – et surtout, plutôt que de laisser des zones d'ombres dans la tentative de reconstruction de l'Absent, ce qui le rendrait intriguant, le réal prend le parti de tout, absolument tout expliquer, de dérouler sagement tous les fils de la narration, jusqu'au bout d'une morale plan-plan – que c'en devient pénible.
Formellement très beau, très ample, mais très sage, le film se lâche un peu et devient par moments vraiment vivant, dès qu'on suit les groupes de jeunes ados à travers la ville, les fêtes.
TOURNÉE (M Amalric) *****
sélection officielle (compète) – le Pacte
Lui en petit connard prétentieux, producteur arrogant et attachant, menteur et généreux, poursuivi par des démons dont on se fout un peu, à force (mais qui lui valent quelques gnons, au physique comme au moral, d'anthologie). Elles lumineuses, énergiques, vivantes, libérées… Elles le remettent à sa place avec tendresse et fermeté. Ils sont tous de partout, de nulle part et d'ailleurs, des déracinés – et ne finissent par trouver leur place (et un peu d'apaisement), ou du moins une place, que dans le no man's land d'un hôtel-fantôme, où le temps est suspendu. Il y a quelque chose de magique dans ce film de spectacle en équilibre entre mélo, drame et comédie, qui parvient à tenir une note juste, va-et-vient d'un monde à l'autre, des paillettes des boîtes de nuit portuaires au petit quotidien gris… Et le Show go on à fond les ballons !
SANDCASTLE () ****
Semaine de la Critique – caméra d'Or
Belle chronique familiale made in Hong Kong. Enquête du fils (+/-20 ans) sur un secret de famille (le père, mort d'un cancer, a passé quelques années en camp de rééducation pour avoir milité dans des associations étudiantes communistes pro-chinoises) qui a un peu embrouillé ses relations avec sa mère, ses grand-parents. Après le décès du grand-père, photographe, il retrouve des traces sur des négatifs et essaye d'arracher des bribes d'histoire dans le trou noir de souvenirs de sa grand-mère atteinte d'Alzheimer… Beau, juste et simple, sans esbroufe, sans effets inutiles.
BENDA BILILI () *****
Quinzaine – Sophie Dulac
Mieux que le road movie en fauteuil roulant des Kervern-Delepine, le concert rock en fauteuil roulant, le match de foot de culs-de-jatte !
Documentaire à la fois rugueux (sur toute la première partie) et électrisant (on a tous pensé à Buena Vista Social Club), qui raconte l'enregistrement d'un disque par un groupe de papys musiciens, handicapés et mendiants, dans la zone de Kinshasa. Rien n'est épargné de la misère, de l'horreur de la rue. La limite du film: le sujet est provoqué et accompagné par les auteurs eux-même, et ça ne paraît pas totalement assumé… Cette petite réserve mise à part, on s'en prend plein la gueule, pour le pire et pour le meilleur, et ça donne une sacrée pêche !
THE HOUSEMAID () ****
sélection officielle (compète) – – Prix France Telecom du suicide autravail (et de la Mise en Scène)
Une jeune femme de chambre, naïvement délurée (est-ce un oxymore ?), embauchée par une famille richissime dont la femme est enceinte, va répondre aux avances de son séduisant patron, coucher avec lui, se retrouver enceinte, être avortée de force et à son insu par sa patronne, chercher à se venger… Il y a du Hitchcock (la séquence d'ouverture, le personnage inquiétantde la gouvernante, un suspense qui tient tout le film), du Bunuel, c'est à la fois un thriller et un drame social, la mise en scène est virtuose et les images d'une beauté à couper le souffle, dommage que le final soit si rapide et « petit », un rien décevant tant est forte la monté en tension.
CHATROOM () :-(
sélection officielle (un certain regard) – Diaphana
Les réseaux sociaux pour les nuls… c'est nul.
Vague remake de Suicide club, mais même habillé d'un onirisme de bazar, le chat, c'est statique, long, bavard, téléphoné…
LITTLE BABY JESUS OF FLANDR () :-((((
Quinzaine –
Un trio de trisos pour jouer aux rois mages dans les brumes des Flandres filmées en noir et blanc - et en scope, on se demande pourquoi. On se demande pourquoi beaucoup de choses, à commencer par « pourquoi faire ce film »? Et puis, bercé par une musique pas vilaine, on s'endort sereinement, sans la moindre mauvaise conscience.
AN OTHER DAY (M Leigh) ******
sélection officielle (compète) – Diaphana – Ma Palme
Rythmé par les quatre saisons, un brillant mélo presque choral, du niveau de Secrets et mensonges. En moins lacrymal, mais plus cruel – et beaucoup d'humour. Changement de cadre social, aussi. Ici, un couple de « bobo » lui géologue – patron de sa boîte d'étude, elle psychothérapeute, semble le couple parfait : attentif, généreux, des amis qui savent qu'ils peuvent compter sur eux… sauf que ça se lézarde quand les emm… se rapprochent un peu trop. L'actrice qui interprète l'amie « à la rue » du couple est bluffante.
SOMOS LO QUE HAY () ***
Quinzaine –
Drôle d'objet, paraît-il inspiré d'une histoire vraie. L'ouverture, la mort en direct d'un supposé clodo devant la vitrine d'un magasin de vêtements dans un centre commercial, nous embarque pour une plongée dans un cinéma social mexicain assez balisé… ça semble se confirmer avec la suite : la démerde d'une famille qui survit grâce au boulot d'horloger approximatif du paternel… lequel se révèle être le mort en question… dans l'estomac duquel les flics retrouvent un doigt humain… tandis que les (grands) enfants partent en « chasse » pour poursuivre le « rite »… on passe au thriller, puis au film gore quand, après pas mal de doutes, il devient évident que la smala est anthropophage et (légèrement) assez mal intégrée, socialement… des séquences de pur polar, d'autres violemment horrifiques, ça va de rupture en rupture vers le film de genre, c'est à la fois fourre-tout, réellement prenant et par instants terrifiant. Un truc à infliger (avec bonheur) lors d'une Nuit Fantastique, difficilement programmable en-dehors.
YOU WILL MEET A TALL DARK STRANGER (Woody Allen) ****
sélection officielle (hors-compète) – Warner
La bonne surprise de la journée (j'y allais à reculons) : un Woody surprenant, moins par son originalité que par sa vivacité retrouvée et son absence totale de prétention – à des années-lumières de son film de vacances à Barcelone. Absence aussi de la misanthropie un peu saoulante qui baignait ses derniers marivaudages – et qui allait de pair avec sa paresse scénaristique. Contrairement à beaucoup de films présentés (toutes sélections confondues), Allen serre ses histoires, leur laisse beaucoup de fins ouvertes (et donc ne passe pas des plombes à tout refermer, tout bien expliquer, cf. Chongqing blues). Pas de scène d'anthologie, mais un film égal, simple, distrayant, moins feignasse que d'habitude, parfaitement interprété, parvenant même par moment à être touchant et drôle.
LA PRINCESSE DE MONTPENSIER (Bertrand Tavernier) *****
sélection officielle (compète) – Studiocanal
Un film d'époque « classique », tout en plans-séquences amples et généreux (pour les décors et les acteurs). Finalement très intimiste, le film décrit parfaitement les errances sentimentales de gamins mal dégrossis, dépassés par les enjeux politiques de leurs (supposées) passions – en contrepoint, Chabannes, incarné par Lambert Wilson (parfait), le seul qui soit vraiment cramé de l'intérieur, les renvoie à leurs enfantillages. Beaucoup aimé les interprètes, l'évocation du contexte historique jamais didactique (presque pas assez), les dialogues (à la fois très-très littéraires et vivants), l'absence de virtuosité ostentatoire (ça repose). 2h20 qui passent toutes seules ! Va évidemment fonctionner si la presse ne l'assassine pas…
LA CASA MUDA () ****
Quinzaine – UFO
Une leçon de mise en scène : 1h15 de plan-séquence (procédé/contrainte formelle qu'on oublie aussitôt) avec une unité de temps (quoique… pas certain que le soit-disant « temps réel » soit aussi réel que ça, il semblerait qu'il y ait des ellipses dans le plan-séquence), de lieu, d'action et de personnage (!) , un thriller oppressant, sombre et étouffant, un poil sanguinolent mais jamais grandiloquent. C'est sec, précis, le redécoupage du plan-séquence, virtuose sans ostentation, est d'une efficacité redoutable. Et le puzzle qui s'assemble au bout de cette descent eaux enfers donne d'autant plus de frissons rétrospectifs. Vaut beaucoup, beaucoup mieux que son aura de « nouveau Blair Witch ».
LA VIE AU RANCH () ***
ACID – Shellac
Un groupe de filles pour la plupart étudiantes, en colloc' dans un appart' à Paris (le fameux Ranch), font la fête, picolent, s'engueulent, draguent, s'ennuient (rarement), refont la fête… Quelques archétypes de mecs, réguliers ou occasionnels, balisent le parcours (séquence de critique ciné assez drôle - pour le public cannois). Tout pour être agaçant (vacuité des discussions, répétition des situations) et pourtant arrive à être attachant. Perception très juste de la vie de groupe et de son délitement. Difficile d'imaginer à qui le film s'adresse, qui ira le voir (et qui va le programmer), mais c'est une bonne surprise.
R U THERE () :-((((
Un certain regard –
À des années-lumières de Ben X, le deuxième nanard, après Chatroom, sur les réseaux sociaux / la réalité virtuelle – et le pire de la sélection. Une espèce de clone de JCVD, bodybuildé, champion du monde de baston guerrière sur console et par équipe, perd les pédales lorsqu'il est confronté à la vraie (?) violence (un accident de la circulation). Une jolie masseuse l'initie à 2nd life, mais leur relation (tarifée) dans la vraie vie n'a rienà voir avec l'illusion qu'ils vivent sur le réseau… heu… c'est moche, d'un rare ennui et (à peine) démonstratif (si j'ai bien compris, c'est dangereux de vouloir s'évader dans les mondes virtuels, voilà).
L'AUTRE MONDE (Gilles Marchand) *
sélection officielle (hors-compète) – Haut et Court
Forcément, après Chatroom et R U There, L'Autre monde ferait figure de chef-d'œuvre. On prend les mêmes et on recommence – c'est d'ailleurs presque un mix des deux autres (la manipulation via les réseaux et les mondes virtuels genre 2nd life). Beau, gentiment construit, bien interprété, ça reste dans la veine de Qui a tué Bambi : à la fois très personnel dans la mise en place (ce gars-là, comme Nicloux, sait créer un climat) et agaçant parce que paresseux – on s'ennuie un peu, on devance les coups de théâtre, à l'approche du dénouement, très rapide et presque sans enjeu, le thriller fantastique se transforme en thriller plan-plan. Malgré tout, se regarde sans déplaisir – parfait pour passer l'été.
OUTRAGES (Takeshi Kitano) ***
sélection officielle (compète) – Metropolitan
Retour en force de Kitano. Grande lessive chez les yakuza, code de l'honneur, massacres, amputations… Difficile de s'y retrouver, les enjeux entre les adversaires, multiples et à retournements constants, ne sont jamais très clairs, mais bon : si ce n'est pas du grand Kitano, on en revient à peu près à la case Aniki mon frère – passable donc (ce qui est déjà une bonne nouvelle). C'est bourré d'énergie, y'a de l'humour, mais on reste aussi sur sa faim, comme si Kitano avait accumulé les scènes d'action pour éviter d'avoir à filmer l'attente, le vide…
BIUTIFUL (Inarritu) ******
sélection officielle (compète) – ARP
Une grosse, grosse claque – une des plus fortes que je me sois prises au cinéma depuis bien longtemps. Les mots me manquent encore. Pourtant Inarritu charge la mule, à bloc. Mais ce n'est ni larmoyant, ni pathétique, ni manichéen, ni bêtement virtuose… c'est à hauteur d'hommes, simplement et violemment humain. Je prends un paquet de kleenex et j'y retourne!
DANS NOS MAINS (Marianna Otero) ****
ACID – Diaphana
Doc très sensible sur la tentative de reprise en Scop d'une entreprise au bord de la faillite. L'enjeu est moins de savoir si le projet de cette poignée d'ouvrières va aboutir que la gestation de ce projet. Marianna Otero ne fait pas semblant de rester en retrait, elle provoque (doucement), interroge, capte les doutes, les peurs, les revendications, la lente maturation des esprits. Et si in fine la Scop ne voit pas le jour (parce que la boite n'est de toutes façons pas viable), le constat est celui d'une victoire collective sur la résignation. Et le final, incroyablement vivant, est la preuve la plus éclatante de cette victoire.
DES HOMMES ET DES DIEUX (Xavier Beauvois) ******
sélection officielle (compète) – Mars
Évidemment, l'histoire de ces moines assassinés ne peut être qu'austère. Cependant, aussi sobre soit-elle, la mise en scène n'est ni plombante ni figée. L'image, le son, sont magnifiques. Beauvois filme le mysticisme et l'humanité, le doute, le don, avec beaucoup de tendresse et de simplicité.
ILLEGAL (Depasse) ****
Quinzaine – Haut et Court
Je ne me souviens pas pourquoi on n'a pas programmé CAGES, son premier long, qui était un peu brouillon mais assez fascinant… bref : Illegal est une vraie (bonne) surprise, et un plaisir de retrouver un cinéaste là où on ne l'attend pas. Filmés nerveusement, ces quelques jours d'une émigrée russe dans l'enfer d'un centre de rétention (en Belgique), de son arrestation aux tentatives d'expulsions en passant par les maltraitances quotidiennes, nous font violemment ressentir son état de bête traquée, la nécessité vitale de la fuite, l'angoisse du déracinement. L'intervention des avocats, matons, psychologues et flics n'occulte jamais la part d'humanité – ni d'inhumanité –de chacun. C'est sec, efficace et le complément idéal à un rapport de la Cimade.
TAMARA DREW (Stephen Frears) ******
sélection officielle (hors-compète) – Diaphana
Un pur moment de bonheur, à la fois foutraque et tiré au cordeau, jubilatoire et teigneux juste ce qu'il faut… Aurait mérité, largement, les honneurs de la compète, et puis hop !, un prix d'interprétation collectif. Si tout va bien, le carton de l'été !
LES FLEURS DU MAL () :-(
ACID -
De jolies chorégraphies (répétitives), une utilisation des réseaux sociaux et de la vidéo-internet un poil plus excitante que dans les films de la sélection officielle, mais bon sang, quel ennui…
POETRY () ****
sélection officielle (compète) – Diaphana
C'est trèèèèèèès beau. Et longuet, quand même. Mais la comédienne est extraordinaire, l'écriture très sensible (il aurait été facile d'en faire des tonnes, rien que sur l'histoire de son alzheimer). Après Mother et Lola, encore un personnage de (grand-)« mère courage » toute dévouée au sauvetage du gamin. Celle-là vit en même temps son éveil à la poésie, à la beauté (et à la méchanceté) du monde. La façon dont les coréens filment l'eau est toujours aussi fascinante. Outre les problèmes liés au rythme particulier du film, on a envie de tirer son chapeau au(x) traducteur(s) à l'origine des sous-titres – qui, dans l'essentiel des séquences de joutes poétiques, parvien(nen)t à rendre à peu près l'intraduisible !
LE QUATTRO VOLTE () ***
ACID –
Une belle bouffée de fraîcheur au cœur du festival, un film italien sans parole à peu près inracontable, comme une vie rêvée et hyper-réaliste dans un hameau perdu, avec des bergers, des chèvres, des tracteurs, des pins… et un chien. C'est surprenant, très drôle – et probablement invendable !
STONES IN EXILE () *
Quinzaine – France 5
Le seul véritable intérêt, c'est la prestation de Jagger qui a mis temporairement l'interprète de la Quinzaine au chômedu. Sinon, sur une structure à peu près équivalente (ah ! le docu américain…), ça nous fait encore regretter Anvil…
FAIR GAME (Doug Liman) **
sélection officielle (compète) –
À la surprise générale, nous apprenons qu'il n'y avait pas d'armes de destruction massive en Irak ! Bon, sinon c'est honnêtement gaulé, efficace et, jusqu'à l'avant-dernière séquence, très soft dans les évocations de la démocratie-américaine-que-c'est-pas-pour-dire-mais-même-si-des-méchants-prennent-le-pouvoir-la-vérité-pourra-toujours-triompher… Malheureusement ça se gâte nettement sur la fin !
LA DISPARITION DE SIMON WERNER () ***
Un certain regard – Diaphana
Faux thriller, prétexte à une plongée dans un groupe de lycéens 90's, plutôt bien ficelée (gamins bien typés, ambiguïtés savamment entretenues, relations très bien vues). Malheureusement, l'intrigue, malgré son découpage par « points de vue » (selon divers protagonistes) conserve un petit côté « club des 5 » un peu agaçant – et le dénouement annoncé, très « fait divers », nous frustre d'une vraie tension. Mais rien que pour les ambiances, la musique, les comédiens, ça devrait marcher !
ROUTE IRISH (Ken Loach) *****
sélection officielle (compète) – Diaphana
Pas d'accord pour le qualifier de film « mineur » de Loach. Ce n'est certes pas le « réquisitoire » contre la guerre annoncé, mais un vrai polar qui s'appuie sur la privatisation de la guerre au moyen-orient. Très bon polar d'ailleurs, bien mené, avec ce qu'il faut de cruauté et de supense, de naïveté (d'imbécilité) et de violence de l'enquêteur aussi. Peut-être un peu bavard, mais vu l'emberlificotement des situations, si on veut s'y retrouver, ce n'est pas du luxe ! Pas dit que ça cartonne, mais la question de la programmation ne se pose même pas.
POISON VIOLENT (Katell Quillévré) ***
Quinzaine – Sophie Dulac
Tiens, j'l'avais presqu'oublié çui-là…
Pas encore bien compris où se nichaient le poison et la violence… pas convaincu par la référence à Gainsbourg non plus, ça parle plus d'émois que du sentiment amoureux.
Nonobstant, une charmante chronique adolescente chez des notables méhaigneristes catholiques bretons (pléonasmes). Les gamins sont très bien et leurs séquences très justes (c'est moins évident pour les parents – l'apparition du père étant le pire moment du film). La bonne surprise : Lio, larguée dans tous les sens du terme. Le petit plaisir en plus : Galabru, qui fait ce qu'il peut pour cabotiner sobrement (si, si) dans le rôle du grand-père indigne (un bonheur de l'entendre bramer des chansons paillardes en face du curé + une séquence assez émouvante, pas forcément évidente, à deux doigts (sic.) du mauvais goût).
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