Publié le mardi 16 février 2010 à 14H37
Le tribunal correctionnel a jugé "nulles et irrecevables" les actions intentées contre M.Guivarch
On avait rarement vu ça à l'entrée du tribunal correctionnel
d'Avignon. Il est 14 heures, hier. Une centaine de personnes, étudiants
ou retraités, font la queue comme devant leur cinéma préféré. Sauf que
là, précisément, ce n'est plus du cinéma. Patrick Guivarch, gérant de
la SARL "Les films du potager" (qui dirige Utopia Avignon), comparaît.
L'association culturelle juive des Alpilles (ACJA) l'attaque,
notamment, pour incitation à la discrimination raciale et injures
publiques.
En cause, des phrases parues dans le programme
d'Utopia à l'été 2009 pour présenter un film palestinien, "Le temps
qu'il reste". Pointées du doigt, plusieurs expressions dont "milices
juives" et "lobotomisation sioniste". A l'origine, également, de cette
présence devant un tribunal, un trait d'humour capillaire paru dans un
autre numéro du programme, qui moque les juifs orthodoxes et leurs "scoubidous ridicules".
Prescription
La salle d'audience étant trop petite pour accueillir l'auditoire, tout ce petit monde se retrouve dans la salle des Assises. "Utopia aurait donc commis un crime?" ironise un monsieur narquois. Pour la défense, Maître Thierry Lévy rappelle que "le film a été programmé sans susciter aucune réaction".
Et c'est donc l'article de Yann Moix paru dans "Le Figaro ("Une
"utopie" pourrie", 10août 2009) qui aura, par ricochets, mis le feu aux
poudres.
Point par point, Maître Lévy insiste sur ce qui relève
de l'irrecevabilité et de l'exception de nullité: la prescription de
l'action intentée (elle le fut au-delà des trois mois requis) la non
habilitation de l'Association Culturelle Juive des Alpilles (ACJA),
dans ses statuts, à combattre le racisme et l'antisémitisme ou encore
le fait qu'une telle action en justice est possible si un ou plusieurs
membres de l'association sont directement visés.
Et Maître Levy d'enfoncer le clou: "C'est une manière inquiétante de faire du droit. On pense pouvoir s'exprimer à travers des émotions non maîtrisées". Pour la partie civile, Maître Michelle Victor convient que "l'ACJA n'est pas la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme)" mais note que c'est "une association culturelle loi 1901 qui a une capacité juridique d'aller en justice dans le cadre de l'intérêt de ses membres".
Lesquels membres auraient, pour certains, subi un préjudice eu égard à
leur religion. Au final, sous des applaudissements nourris, le
président Gouzenne déclare nulles et irrecevables les actions intentées
par cette association. Quelques secondes plus tard, Patrick Guivarch
confie: "Ça va un peu mieux. Mais j'ai quand même une petite
amertume sur le fait que ce débat là se fasse au tribunal plutôt que
sur la place publique".
Fabien BONNIEUX