Laurence peine à les reconnaître. L'animatrice du Centre d'animations des
jeunes, au Beau-Marais, encadre depuis le début de la semaine dernière un groupe
de six jeunes originaires du quartier, tous bénévoles pour participer au projet
mis en place avec le Service Jeunesse de la ville et l'association Hors Cadre :
réaliser un court-métrage sur leur quartier, qui sera diffusé lors des vacances
de la Toussaint à l'Alhambra.
Hier, caméra à
l'épaule, ils ont arpenté les allées du parc Saint-Pierre. Parfois introvertis
lorsqu'il s'agit d'évoquer leur travail, Ismayil, Justine, Emré et leurs amis
s'enhardissent lorsqu'il s'agit d'aller au contact des visiteurs de l'exposition
de Yann Arthus-Bertrand et de filmer leurs impressions.
Interview au
parc Saint-Pierre Erik Chevalier, vidéaste, encadre ces jeunes
calaisiens depuis bientôt dix jours. «
Certains d'entre eux montrent une
grande motivation. Je ne serais pas étonné de voir certains poursuivre leur
chemin dans l'audiovisuelle. » Après une première partie du travail
consacrée à l'écriture d'une ébauche de scénario, dans une salle du centre
Gérard-Philipe, le tournage à proprement parlé pouvait enfin commencer. « Mais
rien n'est figé, prévient le spécialiste. Il y a des choses qui naissent de leur
expérience sur le terrain. Les premières journées de tournage ont notamment
permis de développer certaines idées qui n'étaient pas inscrites dans le
scénario de base par exemple.
» Si le quartier du Beau-Marais, où vivent
tous ces jeunes âgés de 12 à 18 ans, est présent en fil rouge tout au long du
film, les cinéastes amateurs ont voulu aller plus loin en abordant les thèmes
aussi variés que l'écologie et les différences culturelles. « Dans le groupe,
explique Laurence, il y a quatre jeunes d'origines turques et deux Françaises.
Au fil des séances de travail, on en est venu à aborder le thème de nos
origines. » C'est ainsi que l'un d'entre eux, en abordant le sujet un soir avec
ses parents, a appris que du sang espagnol coulait dans ses veines, son
arrière-grand-mère étant née dans la péninsule ibérique.
Entre fiction
et réalité La journée de mardi était donc consacrée aux prises de vue
dans le parc Saint-Pierre, où les jeunes se sont littéralement appropriés
l'exposition. «
Le court-métrage comportera une partie de fiction mais aussi
une certaine dimension documentaire avec des réactions de personnes qui
s'entrecroiseront avec des scènes jouées par les jeunes comédiens. Ça
ressemblera à une partie de ping-pong », confie Erik Chevalier.
Pendant
près d'une heure, Ismayil et toute la troupe ont ainsi interviewé plusieurs
passants pour recueillir leur réaction sur l'exposition mais aussi sur leur
vision de l'écologie à Calais. Perche de preneur de son dans les mains, casque
sur les oreilles, caméra à l'épaule, c'est une véritable équipe de tournage qui
a débarqué dans le poumon vert du centre-ville calaisien.
Le lendemain,
retour au Beau-Marais «
où l'on a essayé de trouver dans le quartier des vues
qui pouvaient ressembler par analogie aux photos de l'exposition. » Ismayil
s'est également glissé dans la peau de son père : «
On a tourné la scène où
ce monsieur est arrivé pour la première fois en France. L'une des scènes montre
son premier contrôle par la police. Comme il ne maîtrisait pas encore le
français, il a toujours répondu oui aux questions du fonctionnaire de police
même lorsqu'il lui a demandé si la mobylette sur laquelle il se trouvait était
volée. »
Pérenniser le projet Après 70 heures de travail, le
montage du film prendra fin vendredi soir. Erik Chevalier y apposera ensuite sa
touche finale en attendant de découvrir la version finale sur grand écran dans
quelques semaines. Mais déjà, au CAJ Marinot, on espère renouveler l'opération
l'été prochain.
«
L'objectif de ce projet est avant tout de valoriser ces
jeunes du quartier », confie Yannick Loyer, directeur de la structure
calaisienne qui, devant l'enthousiasme des petits cameramen, espère
effectivement pérenniser le projet et réaliser chaque année un court-métrage. «
Si cette année, on aborde le thème de l'environnement, pourquoi ne pas
travailler l'année prochaine sur le thème de la sécurité routière. Il s'agit
d'un moyen original de sensibiliser les jeunes des quartiers à des sujets de
société qui n'ont pas l'occasion d'aborder le reste de l'année.
»
T.S-M.
Le programme Passeurs d'images a pour principal objectif de
développer l'éducation à l'image en direction des publics éloignés de l'offre
culturelle et est coordonnée en région Nord - Pas de Calais par l'association
Hors Cadre depuis 1998.
37 sites de la région Nord - Pas de Calais sont
associés à cette opération initiée par le Centre national de la cinématographie
avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles (ministère de
la Culture), de la Préfecture de Région, du conseil régional du Nord - Pas de
Calais, du conseil général du Nord, du conseil général du Pas-de-Calais et de
l'ACSE (Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances).
Passeurs
d'images, édition 2009, s'articule en cinq volets : - les séances en plein air :
31 projections en plein air, séances festives de qualité, accueillent
gratuitement tous les habitants. Elles se déroulent au coeur des quartiers sur
un écran géant et sont l'occasion d'offrir un « air de vacances et de
ciné » à ceux qui ne partent pas.
- les ateliers de pratiques de
l'image : 16 ateliers de pratique sont animés par des créateurs, professionnels
de l'image et du son. Ils ont pour principal objectif de permettre aux jeunes de
découvrir les aspects du septième art, en portant un regard actif et critique
sur les images et leur environnement. En réalisant un film (documentaire ou
fiction), les jeunes s'inscrivent dans un véritable projet d'éducation à
l'image.
- les séances exceptionnelles et les ateliers de programmation : 16
séances exceptionnelles sont organisées dans les salles de cinéma et en milieu
pénitentiaire. Elles permettent aux publics de rencontrer réalisateurs et
acteurs venus présenter leur film et engager un débat à l'issue de la
projection.
Ces séances sont programmées et animées par des groupes lors
d'ateliers de programmation accompagnés par Hors Cadre.
- La politique
tarifaire : Afin de permettre aux jeunes éloignés de l'offre culturelle et à
leur famille de retrouver le chemin des salles obscures, 6 000 chèques cinéma
sont diffusés dans les huit villes qui accueillent la manifestation. Ils
permettent de bénéficier d'une réduction de 1,50 euros sur le tarif réduit des
salles associées à l'opération.
- Les Rencontres régionales ''Ateliers
d'images/Images d'ateliers'' : Chaque année depuis 12 ans, des rencontres
permettent aux porteurs de projet de confronter leurs expériences et aux jeunes
de découvrir dans un cadre festif les productions d'une année. Ces rencontres se
sont déroulées, cette année, les 29, 30 et 31 mai, à EuraTechnologies à Lille,
ont présenté d'autres films que ceux issus du dispositif ''Passeurs d'images'',
réalisés aussi bien en temps scolaire qu'en hors temps scolaire et ont accueilli
près de 1 600 personnes.
En savoir plus sur hors cadre
http://www.horscadre.eu/