Après une tournée dans plus de 50 villes, ils ont fait une halte, samedi, à Calais où les attendaient quatre projections en avant-première. Récit d'une journée-clé pour l'équipe du film « Welcome », dont la sortie nationale aura lieu le 11 mars. PAR AMANDINE FARAUD
« Calais pour nous, c'est la vraie grosse avant-première », lance Philippe Lioret, le réalisateur, entouré des acteurs principaux, dont Vincent Lindon, du co-scénariste et des producteurs. Il est un peu plus de 16 h dans les salons de l'hôtel Meurice. On les sent tendus, fatigués, aussi. « Voilà plus de deux mois que l'on tourne, cela fera 25 000 spectateurs ce soir. » Un public unanime : « Il ne s'est pas passé un soir où l'on était pas au bord des larmes. Je n'ai jamais vécu ça avant et je pense que je ne le revivrai jamais. D'habitude, les gens disent "bravo", ou ne disent rien. Là, ils nous disent "merci" », s'émeut Philippe Lioret. « C'est incroyable de revenir ici. » Pour l'équipe de Welcome, Calais, ce sont « des sensations fortes, une ville accueillante. La première chose que l'on a faite en arrivant, c'est aller au bar où l'on a tourné et voir les bénévoles. » Et la soirée file à toute vitesse : l'équipe court de salle en salle entre l'Alhambra et le Gaumont, à la rencontre des spectateurs, mieux, des Calaisiens. Au total, cinq séances, toutes pleines à craquer. Dernier générique à l'Alhambra, l'équipe reçoit un accueil triomphal, et serre la main de Jacky Hénin : « C'est grâce à lui que nous avons pu faire le film, il nous a confié les clefs de la ville ». Pour couronner le tout, la rencontre se termine en pot à la Maison pour tous, avec des bénévoles mais aussi de simples citoyens. Il est un peu plus de minuit, les acteurs, fatigués mais détendus, posent pour des photos-souvenir sur le boulevard Gambetta. Heureux d'avoir trouvé un si beau « welcome » à Calais. •Welcome », avec Vincent Lindon, a déjà conquis le public dans plus de cinquante villes. La tournée des avant-premières passait, samedi, à Calais où le film a été tourné. Rencontre avec l'équipe dans une salle pleine à craquer.
Voix du Nord 02 03 09, Pages "région"
PAR AMANDINE FARAUD ET NICOLAS FAUCON
21 h 45, le générique de Welcome défile. Quatre salves d'applaudissements et une standing ovation plus tard, l'équipe du film, émue, fait son entrée. « Nous sommes fiers et heureux d'être là ce soir, commence Vincent Lindon. Pendant ces onze semaines de tournage, j'ai l'impression d'avoir été l'un de vous : j'étais Simon, maître nageur à Calais.
» Dans le public, beaucoup de spectateurs ont encore les larmes aux yeux, conquis par l'histoire d'amour de Welcome où Simon, maître nageur à Calais, se prend d'amitié pour un jeune migrant, alors qu'il désespère de reconquérir sa femme. « Revenir à Calais, ce n'était pas anodin. Comme j'avais les chocottes !, confie Philippe Lioret, et là, je vois Sylvie (une bénévole de l'association d'aide aux migrants Salam), la première qu'on a vue à Calais et qui nous a pilotés partout. » Dans la salle, des habitants du Calaisis qui connaissent la réalité du terrain. Un homme se lève, prend la parole : « Merci ! Pour moi, ce n'est pas un film : c'est la réalité. » Et de but en blanc : « Alors, maintenant, ça va faire avancer les choses ? »
« "Que faire ?", c'est la question que tout le monde se pose, commente Vincent Lindon. Mais j'ai bien une idée : tant que vous aurez comme maire quelqu'un qui dit que les migrants sont bien habillés et bien nourris, rien ne pourra changer. Il faut commencer par changer de maire. » Nouveaux applaudissements. Quelques jours après le placement en garde à vue d'une bénévole de Terre d'errance (1), Philippe Lioret pointe du doigt l'attitude des autorités qui poursuivent les citoyens hébergeant les personnes en situation irrégulière. « Le cinéma, ce n'est que du plastique avec des trous dedans, c'est vous, qui êtes des citoyens, des électeurs, qui pouvez faire quelque chose. Si on arrive à avoir une toute petite influence pour ne serait-ce que légèrement amender la loi (qui interdit l'aide à personne en situation irrégulière), déjà, on aura gagné ça. » Et de remercier les Calaisiens pour leur « accueil exceptionnel ». « Nous voulions faire un film juste qui raconte l'histoire de justes. » Pierre, bénévole qui vient en aide aux migrants, dit avoir adoré le film.
« Vous savez, on a entendu des histoires encore plus folles : comme celle de migrants qui collectionnaient des bouteilles d'eau en plastique afin de bâtir un radeau et traverser la Manche. » Amandine, 18 ans, est touchée. « J'ignorais que c'était à ce point difficile pour eux et qu'ils se mettaient des sacs en plastique sur la tête lorsqu'ils embarquaient à bord des camions pour traverser (la police tente de repérer des clandestins dans les camions en mesurant via une sonde le gaz carbonique rejeté dans l'air). » •
1. - Une habitante de Norrent-Fontes a été placée en garde à vue pour avoir parfois rechargé les téléphones des migrants (« La Voix » du 25 février).
lundi 02.03.2009, 05:05 - La Voix du Nord
Philippe Lioret est le réalisateur du retentissant « Je vais bien ne t'en fais pas » (2006), avec Kad Merad. Avec « Welcome », il a cette fois planté ses caméras dans la région.
- Comment est née cette histoire ?
Il faut aller chercher des sujets balèzes, et les traiter de façon humaine. Moi, je veux être bouleversé par une histoire qui m'arrache les tripes en tant que citoyen. » - C'est aussi une histoire d'amour... « L'affectif des gens, ça régit tout. Il se trouve que le personnage de Vincent Lindon se trouve dans une phase affective très épineuse, à ce moment-là. Au début, il va aider le jeune Kurde pour de mauvaises raisons. Et puis il va se laisser prendre, comme un apprenti sorcier. Et on arrive à ce truc fou : si demain, vous voulez rendre service à un mec qui n'a pas de papiers, vous tombez sous le coup d'une "aide à personne en situation irrégulière"... Dans quel pays on vit ? » - Vous n'êtes pas tenté d'apporter des solutions ?
« Je ne suis pas un politicien, moi. Et c'est quoi la solution ? Ça m'a tellement scié de voir ça. De voir qu'un brave mec, d'un seul coup, se retrouve mis en examen, et qu'il peut aller en taule. C'est dingue. J'ai l'impression qu'on est en 1943 et qu'on a planqué un Juif dans la cave. » •
PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE CARON
Pour le maire de Calais, le film va donner une « image déplorable » de la ville
lundi 02.03.2009, 05:05 - La Voix du Nord
Avec le film « Welcome », les projecteurs vont se braquer une nouvelle fois sur la ville de Calais. Cette publicité, Natacha Bouchart, élue maire (UMP) en mars 2008, s'en serait bien passée.
Interrogée sur le sujet il y a une dizaine de jours lors d'une conférence de presse, elle reconnaissait qu'elle « n'avait pas envie » de voir ce film : « Une nouvelle fois, il va donner une image déplorable de la ville et de sa population les traits vont être forcés. Avec ce film, il va falloir que l'on reprenne de zéro notre travail sur l'image de la ville. » Depuis son élection à la mairie, Natacha Bouchart tente en effet de modifier l'image que Calais peut donner à l'extérieur. Une image d'où seraient forcément absents les centaines de migrants qui y échouent tous les jours.
Avant-hier, lors de l'avant-première calaisienne, Philippe Lioret a brandi la page de La Voix du Nord où Natacha Bouchart tenait ces propos. « Dire d'un film que l'on n'a pas vu qu'il va forcer le trait relève d'un procès d'intention assez bizarre, a relevé le réalisateur. Mais surtout, cette élue est capable de tenir des propos bien pires. » En effet, lors de cette même conférence de presse, Natacha Bouchart s'était épanchée de manière assez directe sur la question de l'immigration à Calais, se hasardant à une opposition entre une population calaisienne pauvre et délaissée, et des migrants somme toute pas si malheureux que ça : « La population calaisienne se sent lésée, car elle est en plus grande difficulté que les migrants, avait-elle affirmé. J'en ai croisé aujourd'hui, ils sont bien habillés, ils ont le téléphone portable, ils ont, eux, quatre repas par jour. Et je rappelle qu'ils sont là volontairement, c'est leur choix de vivre dans la rue. » Entre la réalité dépeinte par Welcome, et celle que voudrait faire ressortir Natacha Bouchart, il y a effectivement un monde d'écart. •
BRUNO MALLET
Commentaires
ne pas vouloir aller voir le film est une façon comme une autre de pouvoir continuer à dire "je ne savais pas" - et ils sont très forts à l'ump pour faire l'autruche... mais ce problème de migrants ne peut pas être mis sur le dos de la municipalité, quelle qu'elle soit. Pour rappel, lorsque le mur de Berlin est tombé, tous les allemands de l'est ne sont pas venus habiter à l'ouest, alors je ne vois vraiment pas ce qui fait peur aux politiques d'ouvrir les frontières...