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Titre du blog : Les Amis de l'ALHAMBRA
Auteur : leblogdesamis
Date de création : 08-08-2008
 
posté le 12-10-2008 à 11:13:58

"MOURIR D'AMIANTE"

L'Alhambra  et son association de spectateurs organiseront une soirée débat autour du thème de l'amiante le vendredi 24 octobre 2008, à partir de 20h

 

Le débat sera animé par Pierre Pluta et Aimé Carbonnier, membres de l'Ardéva 59/62. après la projection du film de Brigitte CHEVET "Mourir d'Amiante"

 

Chaque jour, 10 personnes meurent d'avoir respiré de l'amiante


Le dossier complet du Nord littoral de ce week end :  

Les veuves et malades de l'amiante marchent à Paris

Convoi funèbre de milliers de marcheurs

Nord littoral samedi 11.10.2008, 14:00

Comme en 2005, les Calaisiens marcheront pour soutenir les victimes de l'amiante.

L'Andeva organise ce jour une marche dans les rues de Paris. Plusieurs milliers de personnes dont 75 Calaisiens réclameront un procès pénal de l'amiante et dénonceront les lacunes de la prise en charge de leur préjudice

Un convoi funèbre. Veufs, veuves et malades de l'amiante défilent aujourd'hui dans la capitale pour dénoncer le scandale de l'amiante et de sa prise en charge.

Trois mille personnes sont attendues dans une marche silencieuse qui revêt l'apparence d'un convoi funèbre où seul le pas des marcheurs retentit sur le pavé parisien. Certains arboreront, pour unique revendication la photo de leur conjoint défunt, décédé à cause de l'amiante.

Revendication
et solidarité

Depuis trois ans, chaque deuxième samedi du mois d'octobre, veufs, veuves, malades et sympathisants dénoncent les milliers de victimes que fait l'amiante chaque année, des lacunes répétées dans la prise en charge des préjudices, dans la prévention d'un risque majeur, et dans la justice due aux personnes atteintes d'une maladie de l'amiante et à leurs familles. « Mais au-delà de cette fonction revendicative, la manifestation des victimes de l'amiante est aussi une occasion unique de nous retrouver tous ensemble, de partager une journée de solidarité, souvent émouvante et forte qui laisse la plupart du temps un souvenir durable aux participants », précise Pierre Ansel, l'un des responsables de l'antenne calaisienne de l'Ardeva Dunkerque (Association régionale de défense des victimes de l'amiante).
La marche des veuves prévue ce jour est l'occasion de rappeler que les victimes de l'amiante attendent toujours un procès pénal. Aucun responsable de la plus grande catastrophe sanitaire que la France ait connue n'a encore été renvoyé devant un tribunal pénal. Dans cette attente dix Français décèdent chaque jour d'une maladie reconnue de l'amiante.

Petites avancées
et fausses joies

La mobilisation des veuves de l'amiante, soutenue par l'ensemble des Ardeva de France, avait permis que soit regroupé l'ensemble des plaintes au pôle judiciaire de santé publique. Manque de moyens. Fausse joie. Les magistrats de ce pôle ne disposent pas d'assez de moyens pour conduire une instruction de qualité. Instruction qui ne devrait pas pouvoir être close avant 2014. « Les empoisonneurs doivent être jugés  », martèle Pierre Ansel. La marche s'achèvera ainsi sous les fenêtres de Rachida Dati, la garde des Sceaux, pour exiger justice.
L'autre source d'inquiétude pour les associations est le projet de réforme de l'allocation de cessation anticipée d'activité, l'Acataa. Cette compensation est totalement inique puisqu'elle ne s'applique qu'aux salariés de quatre secteurs industriels (transformation d'amiante, flocage et calorifugeage, construction et réparation navale, dockers). De nombreux salariés, comme ceux du bâtiment, sont laissés de côté. « La préretraite amiante n'est pas un privilège, conclut Pierre Ansel. Ceux qui vont mourir plus tôt à cause de leur activité professionnelle doivent pouvoir cesser de travailler plus tôt. »
A.TH.

* Ardeva Calais, permanence chaque deuxième samedi du mois de 9 heures à 12 heures à la maison des associations, rue Hagueneau.
Permanences téléphoniques le soir, après 19 heures (sauf le mardi) au 03 28 68 27 19.

Nord Littoral

Un tueur en série connu depuis 1899

Alors qu'on le sait mortel depuis 1899, l'amiante n'a été interdit en France qu'en... 1997 ! L'industrie s'est régalée de cette fibre miracle - sans équivalent à ce jour - et en a honteusement abusé : bâtiment, construction navale, textile, automobile, industrie des matières plastiques, industrie alimentaire et pharmaceutique, etc. On estime à plus de 3 500 le nombre de produits dérivés contenant de l'amiante allant du bijou au grille-pain, en passant par le gant de cuisine ou le vin. Bref, l'amiante, tapi dans l'ombre, a hanté le quotidien de tous les Français durant des décennies.
L'amiante n'est cependant pas directement dangereux. Les bijoux en oeil de tigre ne sont pas dangereux, pas plus que le vin filtré par des filtres contenant de l'amiante n'est nocif - tout au moins consommé avec modération. C'est le taux d'empoussiérage de l'air créé par l'effritement ou la transformation des produits dérivés qui est dangereux.
Schématiquement, la fibre d'amiante se présente comme un minuscule pic. Inhalé, ce "cure-dent" deux mille fois plus fin qu'un cheveu peut rester coincé dans le système respiratoire. Dans ce cas, d'autres fibres viendront s'agglutiner. Le tueur est là, silencieux, imperceptible. A mesure, les poumons vont perdre leur élasticité jusqu'à devenir comme de la pierre. La maladie patiente ainsi cinq ans, dix ans, quinze, vingt ou trente ans. Quand elle se déclare, c'est la mort assurée dans les deux ans.

Un substitut plus dangereux
Mais les salariés de tous les secteurs en ont respiré. En 2007, l'Institut de veille sanitaire a estimé que 50 % des artisans français mis à la retraite en 2004 ont été exposés à l'amiante lors de leur vie professionnelle. Le résultat est tragique. Chaque jour, dix Français décèdent d'avoir respiré de l'amiante. Au dire des épidémiologistes, 100 000 morts sont à craindre prochainement dans l'Hexagone. Les maladies de l'amiante constituent la pire catastrophe sanitaire que la France connaisse. Cent milles morts sont prévus d'ici 2025. Quinze à vingt nouveaux cas de mésotheliome sont découverts chaque année dans le Nord/Pas-de-Calais. Le Calaisis compte un demi-millier de malades. Gouvernements et médecins savaient l'amiante mortel depuis 1905. Cette fibre n'a été interdite en France qu'en 1997. Une entreprise britannique comme Courtaulds n'utilisait pas d'amiante en Angleterre (puisqu'interdit depuis 1947) mais en abusa à Calais jusqu'à sa fermeture (au début des années 90) ! De plus en plus d'enseignants déclarent des pathologies dues à l'amiante. Qu'en sera-t-il de leurs élèves dans dix, vingt ou quarante ans ?
Depuis dix ans, l'amiante est remplacé dans bon nombre de ses applications par la fibre céramique réfractaire. Un soulagement ? Franchement pas. Certains affirment en effet que cette matière pourrait se révéler plus dangereuse encore que l'asbeste.

A.TH.

Les chiffres calaisiens de l'amiante

L'Ardeva a entamé 2 606 procédures dont 1 688 Fiva, 1 976 familles ont été indemnisées.
Pierre Ansel, Aimé Carbonnier, Jean-Claude Ghelin, et Serge Pitou ont assuré un millier d'heures de permanence en 2007 et reçu 255 personnes pour l'Ardeva.
Une vingtaine d'entreprises du Calaisis est reconnue Acataa (Allocation de cessation d'activité anticipée des travailleurs de l'amiante) ce qui permet aux "travailleurs de l'amiante" un départ à la retraite anticipé. Ils sont 220 répartis sur Boulogne (60), Calais (20), Dunkerque (100), Saint-Omer (20) et autres (20).
Parmi les anciens salariés de Courtaulds, 120 personnes sont atteintes d'une maladie de l'amiante, dont une vingtaine est décédée. Des chiffres en deçà de la réalité : certaines personnes ne tentent pas d'obtenir une quelconque indemnisation, d'autres ne font pas appel à l'Ardeva et constituent leur dossier individuellement. Il existe de nombreuses victimes parmi les salariés de la Socarénam, Rogliano, Khol, Blitz, Wanner, Scora, des employés du bâtiment ou des garages. Sans oublier deux enseignantes du Calaisis qui, elles aussi, ont contracté une maladie de l'amiante sur leur lieu de travail.
Une quarantaine de veuves calaisiennes et un veuf.

L'indemnisation Fiva est trop lente

La question des moyens, prégnante dans le volet judiciaire, semble l'être tout autant en ce qui concerne le Fiva, fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Ce fonds propose des indemnisations à l'amiable aux victimes, sans passer par des procédures longues. Le hic, c'est que le Fiva semble à son tour très long, faute de personnel : parfois plus d'un an d'attente pour une décision, la moitié en plus pour percevoir les sommes, alors que la loi prévoit 6-8 mois. Des sommes qui, au grand maximum atteignent 25 000 euros.

Prescription trentenaire
Les sénateurs envisagent de ramener de trente ans à cinq ans le délai de prescription de droit commun pour les actions personnelles et mobilières. Toutes les demandes de dommages et intérêts d'un salarié licencié, accidenté ou victime de discriminations devront être faites dans un délai de cinq ans. Au-delà tout recours en justice sera impossible. Tous ceux qui ont été en contact avec l'amiante et qui développeront une maladie dans les dix ou quarante ans ne pourront plus aller en justice.

Documentaire
à l'Alhambra

Le 24 octobre à 19 h 30 à l'Alhambra sera diffusé un documentaire intitulé "Mourir d'amiante". La projection sera suivie d'un débat animé par Pierre Pluta, président de l'Ardeva 62-59.

Démantèlement
du Clémenceau

L'ancien porte-avions français Clémenceau rejoindra-t-il le port anglais où il doit être démantelé par les chantiers Able UK ? Une association britannique a déposé un recours. L'association dénonce la présence d'amiante à bord du navire.

Gravats
amiantés

La préfecture de Seine-Saint-Denis a pris le 1er octobre deux arrêtés contre l'exploitation d'un site non déclaré de tri de déchets, où des sans-papiers affirment que de l'amiante était mélangée aux gravats de décharge.

« On ajoute de la douleur »

Sept ans après le décès de Michel Bremont, les deux Christiane, mère et fille, peinent à sécher leurs larmes. « Ce qui était très difficile à vivre c'est que je devais accoucher alors que mon père était en train de mourir, raconte la fille qui attendait des triplés. Mon père s'est battu pour les voir. Quand il a pu les toucher, il s'est laissé partir. » Michel Bremont est décédé le 14 mars 2001 à l'âge de 63 ans d'un cancer de l'amiante. Quelques semaines avant sa fille et son gendre ont obtenu du responsable du service néonatalité de Calais que Michel Bremont puisse rendre visite à ses trois petits enfants, sa bouteille d'oxygène sur le dos. « Mon mari aimait tellement les enfants , se souvient Christiane Bremont. Il a tout donné pour voir les triplés. Après, il s'en est allé. » Michel Bremont est un ancien de chez Courtauds. « Il s'est engagé sept ans dans l'armée, a participé à la guerre d'Algérie avant de travailler chez Brampton, chez Lombard, à l'Urssaf puis chez Courtaulds, égraine Christaine Bremond mère. Il a commencé à être malade en 1987 puis en 1988, il a été déclaré en invalidité permanente parce qu'il était atteint d'une fibrose pulmonaire. Il suit plusieurs traitements qui stabilisent sa maladie jusqu'en 2000 où on lui diagnostique des polypes sur la vessie qui se sont révélés précancéreux. Un cancer du poumon lui est en effet découvert au mois de juin de cette même année. Ce cancer a été reconnu comme cancer de l'amiante. Mon mari a subi trois protocoles de chimiothérapie, sans succès. » L'équipe médicale ne se fait pas d'illusion. Elle laisse Michel Bremont passer des fêtes de fin d'année tranquille. « Je peux vous assurer qu'on n'a pas vécu de bons moments », promet Christiane Bremont. D'autant que leur fille attendait des triplés...
La force de voir
ses petits enfants

La nouvelle année n'améliore pas la santé de Michel Brémont. Il est trop faible pour supporter une nouvelle chimiothérapie. Début février  2001, nul ne sait où il trouvera la force d'un ultime déplacement au centre hospitalier de Calais voir ses trois petits enfants nouveau-nés. Il décède quelques jours plus tard.
L'épouse de Michel Brémont décide de faire reconnaître la maladie de son époux. « Ça n'a pas été facile, relève Christiane Brémont. Mon mari ne travaillait pas dans l'usine mais dans les bureaux. Au début il était au service paye. Puis, à 46 ou 47 ans, il a passé son bac pour évoluer dans l'entreprise et devenir analyste-programmateur. » Le dossier a été déposé en 2006. En juin 2007, Christiane Brémont a reçu sa notification définitive. Désormais elle attend une proposition financière du Fiva. « Cette procédure est longue car on nous demande sans cesse des papiers supplémentaires, raconte Christiane Brémont. J'ai couru partout pour retrouver des collègues de mon mari et les convaincre de me rédiger des témoignages, des attestations. C'est regrettable qu'on ajoute ainsi de la douleur à la douleur... » Christiane Brémont suit attentivement l'activité de l'Ardeva qui l'aide dans ses démarches. Atteinte d'agoraphobie, elle ne fera pas le déplacement à Paris samedi. « Je le regrette. J'ai trop peur de la foule. Mais je serai de tout coeur avec eux », conclut Christiane Brémont.

A.TH.

* Fleuron de l'industrie calaisienne, Courtauds était le 1er producteur mondial de fibre synthétique. Des milliers de Calaisiens y ont travaillé jusqu'à sa fermeture en 1990. L'entreprise a été reconnue ayant pu contaminer ses salariés quelques années plus tard.

« Nous sommes dans le creux de la vague »

Quelles sont les revendications
de la marche des veuves organisées aujourd'hui à Paris ?
Pierre Pluta
 : « L'objectif est triple. D'abord le Fiva, fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, n'a ni les moyens humains, ni les moyens financiers d'indemniser les victimes dans les délais imposés par la loi. Nous demanderons également que l'Acaata, l'allocation de cessation activité anticipée pour les travailleurs de l'amiante, soit élargie à d'autres professions que les quatre pour le moment retenues (transformation d'amiante, flocage et calorifugeage, construction et réparation navale, dockers). Je pense par exemple aux travailleurs du bâtiment ou de garages qui ont été largement exposés et qui n'y ont pas le droit. Ensuite, nous tenons à ce qu'il y ait un procès pénal de l'amiante. Grâce aux marches des veuves autour du palais de Justice de Dunkerque, nous avons pu faire avancer le dossier pénal. Un pôle d'instruction a été créé. » Une cellule d'instruction qui n'a pas les moyens d'enquêter.
« À force de nous battre nous avons obtenu que le pôle d'instruction ait enfin les moyens humains et financiers d'enquêter. Malheureusement les moyens attribués à ce pôle d'instruction ne sont pas affectés à l'amiante mais à d'autres investigations comme la lutte antidopage, en particulier dans le Tour de France, ou la lutte contre les trafics d'animaux ! Autant de fléaux plus médiatiques que le scandale de l'amiante. » On vous reproche régulièrement de vous acharner à réclamer un procès pénal des empoisonneurs ?
« Oui. On nous dit "vous êtes indemnisés, que voulez-vous de plus ?" mais pour nous c'est une question de dignité. Nous voulons que les gens qui savaient que l'amiante était dangereux et qui ont laissé faire rendent des comptes à la justice. Je pense aux employeurs, aux médecins du travail, aux gouvernants... À la justice ensuite de décider de leur sort. » Pour vous ce sont des assassins ?
« Je ne sais pas comment il faut les appeler. Ils sont cependant responsables de milliers de morts. On parle de 100 000 morts en France d'ici quelques années. Actuellement l'amiante tue dix personnes en France chaque jour, et nous sommes dans le creux de la vague ! Quand quelqu'un est responsable d'un accident, ou vole, il comparaît devant la justice. Pourquoi ces personnes ne le devraient pas ? Ce sont les veuves elles-mêmes qui réclament un procès pénal, disant qu'elles ne pourront faire leur deuil que lorsque ce procès aura eu lieu. » L'amiante a été remplacé par la fibre céramique réfractaire... «... Oui. Un matériau sans doute plus dangereux encore que l'amiante. » Sauf que désormais, les gens prennent des précautions, en France tout au moins, lorsqu'ils manipulent ce genre de matériau.
« En êtes-vous si sûr ? Selon les statistiques officielles 80 % des personnes qui travaillent sur un chantier de désamiantage ne prennent pas les précautions nécessaires. D'autre part, ces mêmes producteurs d'amiante qui nous ont empoisonnés continuent à exporter de l'amiante.
L'Andeva doit d'ailleurs faire face à un procès en diffamation attenté par le Canada parce qu'elle a écrit dans l'un de ses bulletins que ce pays utilisait de l'amiante. Le président de l'Andeva, François Desriaux, est d'ailleurs mis en examen. »
Propos recueillis par A.TH.