Menaces sur la Mostra de Venise
Le Monde 06.09.08 |
Moins de spectateurs payants (12 %), moins de vedettes américaines, une presse italienne souvent très dure à l'égard de la sélection des films en compétition, la 65e édition de la Mostra de Venise a bravé la tourmente qui s'est un peu apaisée, en fin de festival, avec l'accueil enthousiaste réservé vendredi 5 septembre, veille de la clôture, à The Wrestler (le catcheur), de Darren Aronofsky, avec Mickey Rourke.
Directeur artistique de la Mostra depuis 2004, Marco Müller, 55 ans, qui avait auparavant officié dans les Festivals de Rotterdam et de Locarno, fait face à ces attaques. Il vient de voir son mandat renouvelé pour quatre ans. Mais cette stabilité théorique n'a pas empêché les critiques : "Plus de Risi, moins d'Antonioni", pouvait-on lire dans l'édition quotidienne que Ciak, mensuel de cinéma à grande diffusion, publié pendant le festival.
Pour Marco Müller, la Mostra est ainsi prise en tenaille : "Il y a deux ans, le gouvernement (de Romano Prodi) a décidé que trois festivals devraient se partager la saison et l'aide du gouvernement : la Mostra, Rome, qui venait d'être créé, et Turin, qui avait été placé sous l'autorité de Nanni Moretti. A partir de ce moment, on a commencé à tenir un discours selon lequel Venise serait l'endroit où on va explorer les tendances du cinéma d'art - quitte ensuite à le faire descendre par une bonne partie de la presse qui travaille pour le Festival de Rome -, et le Festival de Rome serait celui du cinéma plus accessible. Pour nous, ce genre de répartition n'a aucun sens. Nous allons chercher le cinéma là où il est parti se cacher."
RÉNOVATION DES SALLES
Mais le Festival de Rome, qui a lieu en octobre, n'est pas le principal souci de la Mostra. Le Festival de Toronto, qui commence traditionnellement une semaine après Venise (le 4 septembre cette année), représente une concurrence autrement formidable, attirant à la fois grosses productions hollywoodiennes et professionnels internationaux.
En 2009, Venise affrontera directement son concurrent, en retardant sa date d'ouverture au 2 septembre. Cette année, Marco Müller affirme que le festival canadien a tenté de dissuader les producteurs et distributeurs des films américains en compétition (Rachel Getting Married, de Jonathan Demme, The Hurt Locker, de Kathryn Bigelow, et The Wrestler) de venir à Venise. D'ores et déjà, le directeur artistique affirme que deux grands noms du cinéma d'auteur hollywoodien lui ont promis la primeur de leur film pour l'édition 2009. L'an prochain, il espère que les professionnels européens viendront sur le Lido pour voir "dans de meilleures conditions, de façon plus concentrée, une sélection de films qui correspond à ce qu'il y a de vital pour nous dans le cinéma, pour ensuite aller dans une sorte d'énorme foire du cinéma mondial".
Ce pari risqué s'appuie sur la promesse d'une rénovation des salles de projection, effective dès 2009, et sur la perspective à plus long terme (2011) de la mise en service d'un nouveau Palazzo del cinema, dont la première pierre a été posée le 28 août. Il ne renonce pas non plus à son ambition de créer à Venise une "Mostra des films à faire" en organisant un concours de projets. Car, pour l'instant, le festival de Venise dépend entièrement des films qu'il dévoile au monde. Thomas Sotinel